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Entretien n°2 (écrit) de Marc Hurtado :

 

 

→ Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

 

Marc Hurtado, cofondateur avec mon frère Eric du groupe Étant Donnés en 1977, je travaille aussi seul ou en collaboration avec d'autres artistes, je réalise des films, de la musique, des performances, des peintures, des installations et j'écris de la poésie.

 

 

→ Quelles sont les raisons qui vous ont conduit à vous intéresser au cinéma expérimental ?

 

J'ai connu le cinéma expérimental des années après avoir réalisé mes premiers films, je n'avais alors aucune connaissance de ce "genre" cinématographique, j'ai réalisé tous mes films 8 mm, seul, isolé volontaire, vierge de toute influence, dans mon "milieu du monde" qui était un petit espace de nature où je pouvais être transpercé par le soleil, absorbé par le ciel, dévoré par la terre, englouti par l'eau. On m'a classé dans ce style de cinéma mais je ne me reconnais dans aucun genre, je tente juste de représenter le macrocosme en filmant le microcosme et mon cinéma n'est qu'une lanterne magique qui me guide dans le noir.

 

 

→ A quelle période avez-vous commencé à réaliser vos premières oeuvres artistiques ?

 

Je ne me souviens plus vraiment du moment où j'ai commencé, d'ailleurs j'ai l’impression d'avoir toujours créé, c'est au moment où j'ai pris conscience de ce que je réalisais d'une façon inconsciente que j'ai eu envie d'approfondir ces expériences artistiques. Mes premiers souvenirs d'écritures, d'expérimentations sonores et cinématographiques remontent à mes 13/14 ans, une grande partie de ma famille était des artistes, musiciens, chanteur d’opéra, peintres, poètes, écrivains, dramaturges et je traînais tous les jours chez mon grand-père au milieu de dizaines d'instruments, de magnétophones à bande, de micros, avec lesquels j'ai commencé à travailler le son très tôt.

Ma volonté immédiate a été de pouvoir réaliser de la musique sans mélodie, sans savoir jouer d'un instrument, de ne travailler que sur le son pur, ce qu'on appelle le bruit.

 

 

 

 

→ Vos films déploient des thèmes récurrents comme la question du corps qui est importante dans votre filmographie. Pourquoi, que cherchez-vous à exprimer ?

 

Je ne veux rien exprimer, aucun message de ma part, jamais. Je ne veux qu'imprimer en moi, à travers toutes les forces de la nature, la célébration du miracle de la vie, je suis le plus vide et le plus dégagé de toute conscience possible au moment de la création, mon corps n'est qu'étoile, terre, ciel, eau, il n'est rien d'autre dans sa représentation.

Le temps n'existe pas dans mes créations et encore moins le corps, tout est fluide, éclaté, désintégré, en perpétuel métamorphose, la chair composée d'atomes se pulvérise dans l'espace comme autant d'étoiles, il ne s'agit plus d'un corps mais d'une ombre qui vole entre les feuilles, qui n'a plus de poids, plus de chair, juste une présence visible qui ne représente que l'invisible.

 

 

→ Vous avez également travaillé avec Philippe Grandrieux sur son film La Vie nouvelle (2002). Comment voyez-vous votre collaboration artistique avec le réalisateur, existe-t-il un lien entre son univers et le vôtre ? Que pensez-vous avoir apporté au sujet ?

 

Ma relation avec Philippe Grandrieux est très particulière, nous n'avons jamais eu à parler longtemps ensemble pour comprendre les idées, les voies à prendre dans nos collaborations, une magie s’installe toujours entre nous et nous transporte sur une sorte de tapis volant qui rend le travail facile et évident. Nos images nous réunissent, elles semblent avoir vécu dans un même espace, nos conceptions sonores sont très proches et des artistes comme Alan Vega , Georg Trakl ou Murnau sont autant de points de réunion entre nous deux. J'ai toujours tenté de me fondre au plus profond dans les images de Philippe Grandrieux, le son devient le reflet de l'image et l'image sublime le son, une sorte de communion dans les palpitations du coeur du film. Ce mariage semble bouger à la façon d'un papillon, son vol parait désordonné, fragile, mais il me semble qu'une grâce et une vraie force s'en dégage.

 

Mon premier souvenir cinématographique remonte à la même époque, j'ai pris la caméra 8 mm de mon père et me suis auto-filmé le ventre sur lequel je projetais des films de mon enfance au Maroc, réalisés par mon père avec cette même caméra, ce fut une sorte de nouvelle naissance.

 

 

→ Votre vision de l'art a t-elle changé au cours de vos collaborations artistiques ?

 

Je n'ai pas de vision de l'art ou sur l'art, je ne sais pas réellement ce qu'est l'art, là où il commence et là où il fini. J'ai collaboré avec beaucoup d'artistes par volonté de partager un moment avec des personnes dont j'admire le travail mais j'ai toujours eu en tête l’obsession de servir ces artistes, de faire coller mon monde avec le leur pour n'en former qu'un, il s'agit à chaque fois d’expressions très différentes mais toujours avec une même vérité : mon âme et mon coeur livrés à l'autre sans retenue et en totale liberté.

 

 

→ Quel est l’intérêt selon vous, de réaliser une séance spéciale consacrée au cinéma expérimental ?

 

Mes premiers films 8 mm ont vidé les salles et crée des réactions violentes durant de longues années, à présent ces même films arrivent à séduire les spectateurs, je ne sais pas pourquoi… Et pour les performances de Étant Donnés, les réactions étaient encore plus violentes, on se battait souvent avec le public, c'était une forme d'échange comme une autre... A présent, à chaque fois que je peux partager mes films, mon expérience, avec le public, je reçois plus que je ne donne, j’apprends à connaître mes films dans le miroir que m’offre le public, peu importe le moment, la situation, la séance, seul compte l'impact émotionnel et physique que ces films peuvent produire chez les spectateurs.

 

 

 

 

Les questions ont été pensées par Guillaume Arnal et relayées par François Barbanchon.

Entretien n°1 (audio) de Marc Hurtado :

 

 

Ces deux entretiens, l'un audio l'autre écrit, permettent à qui le souhaite d'avoir un avant-goût de l'univers du réalisateur Marc Hurtado et de son rapport avec La Vie Nouvelle de Philippe Grandrieux. 

Partie 1:

Partie 2 :

Partie 3 : 

 

 

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